Il y a quelques jours, j’ai rencontré Sabrina, Infirmière Diplômée d’Etat et aujourd’hui enseignante. Elle exerce dans un lycée professionnel du 93 pour les élèves titulaires du Baccalauréat professionnel ASSP ou SAPAT et qui veulent devenir Aide-soignant(e)s. Un échange qui montre qu’on ne connait que très peu cette possibilité d’évolution après infirmière alors qu’elle peut être relativement rapide, pas si compliquée et sans nécessité de reprise d’études pour celui ou celle qui est motivé(e) et se sent une âme de formateur. Je te laisse découvrir le nouveau portrait de la semaine : Celui d’une infirmière dynamique, qui a le goût de transmettre les valeurs de notre beau secteur d’activité…
Bonjour Sabrina ! Peux-tu te présenter à nos lecteurs/rices infirmier(e)s ?
Et bien moi, c’est Sabrina, 40 ans et maman d’une fille de 12 ans. Je suis aussi IDE depuis 2012 et enseignante depuis 2020.
Peux-tu nous partager ton parcours d’infirmière et comment tu as osé passer à autre chose ?
Mon parcours ? Et bien, on peut dire que je me suis déjà reconvertie déjà 2 fois !
Après un BEP, je me suis lancée dans la vie active en tant que vendeuse. J’ai notamment travaillé dans un kiosque à journaux, dans le Relais H d’un hôpital. Voir toute la journée des soignants en blouses blanches m’a donné envie de me lancer…
J’ai tout d’abord été aide-soignante pendant 5 ans (après avoir fait l’IFAS) et ensuite j’ai eu envie de poursuivre en devenant infirmière, ce que je suis depuis maintenant 9 ans. J’ai exercé dans le public et ai pu y découvrir de nombreux services : oncologie, suite de couches, SSIAD,… Mais après plusieurs années, les conditions m’ont dégouté : Prendre en charge 15 patients au lieu de 7 comme si on faisait de l’abattage, faire face à une hiérarchie qui n’est jamais contente car on fait des heures supplémentaires pour bien faire notre boulot… Je n’en pouvais plus.
Alors j’ai dit STOP et ai demandé une dispo de 12 mois. C’était en 2019.
De manière très concrète, comment es-tu arrivée à cette reconversion ?
L’opportunité est vraiment arrivée par hasard. Comme quoi ! Je pensais plutôt me diriger vers le libéral.
Et puis, je tombe sur une annonce sur les réseaux sociaux : Un lycée technique qui fait des formations professionnelles post-Bac recherche une infirmière pour enseigner à des futures aide-soignantes…
Je réponds et j’enchaine très vite un entretien avec la responsable formation du lycée, puis avec l’Inspectrice Académique (cela relève de l’Education Nationale). En moins d’1 semaine, c’était acté : j’allais commencer en tant qu’infirmière coordinatrice pour les aides-soignantes dès le mois suivant dans ce lycée.
Quelles difficultés et obstacles as-tu rencontré pour te reconvertir ?
Avant de parler des difficultés, il est important de dire que pour cette reconversion, il n’y en a aucun obstacle concernant la reprise d’études ou la mobilisation d’un financement.
Si maintenant, je parle de ce que j’ai trouvé le plus difficile (mais aussi de plus intéressant), c’est le fait de construire mes cours de A à Z (c’est principalement vrai pour la 1ère année d’enseignement). J’ai une trame sur laquelle je m’appuie ainsi que le référentiel aide-soignant mais ensuite, je définis seule tous les contenus, les cas concrets et les quizz que je veux leur faire d’une séquence à l’autre. J’ai même ressorti mes cours d’ESI au début, pour m’inspirer, tout en allégeant certaines notions bien sur ! Pour être honnête, j’ai eu un peu de stress et d’appréhension dans ce nouveau contexte, mais très vite, j’ai senti ma classe réceptive.
Un autre élément qui n’a pas été évident au début, c’est le manque de collaboration et d’échange avec le corps professoral du lycée. Finalement, en étant formatrice principale d’une seule classe à part entière, je n’ai que peu d’échanges spécifiques avec eux par rapport aux élèves.
Quelles sont les compétences nécessaires à ce métier selon toi ?
Oh, elles sont nombreuses !
Je pense qu’il faut être pédagogue, c’est-à-dire être capable de capter l’attention des élèves et aimer transmettre un savoir, partager ses connaissances. Il me semble essentiel aussi d’être parfois ferme mais juste pour canaliser la classe (cela est variable, mais les élèves peuvent être plus ou moins motivés en fonction des jours. Comme tout le monde, finalement !)
Être prêt à se remettre en question est un atout. Il faut observer la classe en permanence pour sentir s’il faut s’adapter ou se réajuster. C’est parfois un défi, mais c’est tellement plus épanouissant que quand j’étais IDE.
Enfin, l’autonomie, la créativité, l’imagination, la patience, l’écoute pour obtenir leur confiance sont des qualités dont il faut également faire preuve.
Qu’est-ce que tu aimes le plus dans ce nouveau métier ?
J’adore les échanges avec mes élèves, j’ai un super contact avec elles. C’est humainement très fort. Au-delà des cours, je découvre au fil des mois leurs parcours et leurs personnalités. J’ai créé une vraie relation et je me sens utile. Cela fait du bien de sentir qu’on leur apporte réellement quelque chose. Je reconnais que c’est une vraie fierté et un plaisir de partager mes connaissances et surtout, d’en voir le résultat.
Il ne faut pas se mentir, ce que j’aime aussi dans ce nouveau job, c’est l’équilibre vie professionnelle / vie personnelle que cela m’apporte. Je revis ! Je suis fatiguée mais ce n’est absolument plus la même tension physique et psychologique que celle que je pouvais ressentir en tant que soignante. Ne plus être au contact permanent avec des personnes en souffrance m’a aussi fait beaucoup de bien.
Quels conseils donnerais-tu aux infirmières qui veulent comme toi entreprendre cette reconversion ?
Un conseil qui peut paraître très facile à donner après coup, mais qui est pourtant essentiel, c’est qu’il faut y aller et ne pas avoir peur ! Je suis quelqu’un de prudente, alors je peux vous assurer que le risque est vraiment minime : pas de financement à mobiliser pour se reconvertir et pas non plus besoin de donner sa démission puisqu’on peut demander une dispo ou un congé.
Et, fausse croyance : il n’y a pas besoin de reprendre une formation ou de passer obligatoirement le concours pour être dans l’enseignement, j’en suis la preuve !
En étant fonctionnaire dans le public, on peut même transférer et avoir une mutation dans l’Education Nationale par la suite, si cela nous plait. Et il faut savoir que dans toutes les académies, ils ont de vrais besoins qui ne sont pas comblés car ils ne trouvent pas d’IDE ou de profils adaptés pour enseigner dans ces classes. Ils ont donc tout intérêt à nous proposer de les rejoindre si cela se passe bien.
Pour ma part, j’avais tout juste commencé ma prise de poste qu’ils m’avaient déjà proposé de transférer définitivement.
Et pour les infirmières du privé ? Pas de panique, c’est la même chose ! J’en parlais à ma tutrice il n’y a pas longtemps et elle m’a confirmé que cela ne change rien à cette possibilité d’évolution.
Un autre conseil que je peux donner une fois qu’on a obtenu ce poste, c’est de s’appuyer fortement sur son tuteur : Pour bien comprendre la méthodologie à appliquer et tout de suite partir sur de bonnes bases, dans la façon de construire et dispenser ses cours. C’est vrai que cela m’a particulièrement manqué !
En savoir plus sur la reconversion d’enseignante en lycée professionnel après infirmière :
Chaque année, l’Education nationale recrute largement et a des besoins importants en lycées professionnels pour former les étudiants aux formations dans la santé / paramédical.
Pour cela, les académies recherchent des infirmièr(e)s – formateur(trice)s pour animer les formations professionnelles d’Aide-soignantes en lycée. Leurs besoins ne sont pas comblés et ils peinent à recruter des infirmières. Le recrutement d’IDE est privilégié aux autres profils équivalents pour enseigner dans ces cursus.
- Profil recherché : Être infirmièr(e) diplômée d’état du public, du privé ou en libéral + 5 ans d’expérience minimum
- Modalités d’enseignement en lycée professionnel :
- Accéder au corps par voie de détachement – C’est le cas de Sabrina et c’est valable pour les IDE du public
- Enseigner en tant que contractuel (en remplacement en fait). Cela permet de rester dans son académie – pour les IDE du privé
- Passer le concours d’accès à la fonction (CAPLP) – pas obligatoire
- Candidature : Postuler sur le site ACLOE de l’académie visée. La candidature est enregistrée auprès de l’Académie pendant 6 mois. Le recrutement des profils a lieu entre janvier et mars pour la rentrée de septembre suivante. Elle doit être renouvelée tous les 6 mois si souhaité. (Exemple ici celui de Paris : https://www.ac-paris.fr/portail/jcms/p2_749208/recrutement-des-personnels-non-titulaires). Ensuite, il faut prévoir des entretiens avec le responsable pédagogique du lycée + Inspecteur d’académie dont dépend l’établissement.
- Salaire : 2360€ net avec les WE et les vacances scolaires – Format : 4 jours de cours dispensés + 1 journée / semaine pour préparer les cours
- Débouchés : Formatrice en lycée professionnel pour les formations post-Bac d’aide-soignantes. L’infirmière peut également exercer dans les IFAS, en tant qu’intervenante ponctuelle. Pour être formatrice en IFAS, il peut être demandé un profil cadre ou à minima faisant fonction de cadre.